_ Tue-le !
Aminia, de son vrai nom Cella de Kunchom, regarda son père droit dans les yeux. Du haut de son cheval, il semblait la dominer de part sa taille mais aussi de part son pouvoir et de souverain et de père. Etait-ce son géniteur qui lui parlait ou bien son commandant. Elle ne savait plus bien.
Les yeux de l’adolescente se posèrent alors sur l’enfant qui gisait près d’elle, terrorisé. Des frissons la parcoururent ; il était si jeune, si beau et respirait le bien malgré ses tremblements et ses larmes. Comment pourrait-elle lui faire du mal.
Ses mains serrèrent un peu plus la garde de l’épée qu’elle tenait. Puis, sans regarder son père, elle murmura entre ses dents :
_ Je ne peux pas.
Cella sentit alors la colère de son père Yunan monter en lui, et il approcha son cheval.
_ Obéis à ton père ! N’as-tu donc rien retenu de ce que je t’ai appris ? ! Maraskan doit être à nous, et cela passe par la mort de chacun de ses habitants.
_ Mais c’est un enfant, il est sans défense ! osa-t-elle répondre.
C’est à ce moment que Ellan, son frère jumeau, arriva, son épée déjà souillée de sang à la main. Il se figea, haletant et abasourdie par l’effronterie de sa sœur.
_ Sans défense aujourd’hui mais amené à se rebeller plus tard ! Cette race est plus dangereuse qu’il n’y paraît !
Yunan soupira d’agacement et ajouta d’une voix rauque :
_ Je ne sais même pas pourquoi je perds mon temps à t’expliquer tout cela, tu dois obéir un point c’est tout.
Le Roi, sans quitter sa monture se planta alors devant l’enfant elfe et lui trancha la gorge sans autre forme de procès. Cella et Ellan poussèrent ensemble un cri d’étonnement qui étouffa celui de la pauvre victime ; ses yeux se figèrent et il rendit son dernier souffle.
Yunan se tourna alors vers sa fille.
_ Tu m’as désobéis ? Tu paieras pour cet affront dès que nous serons rentrés à Kunchom ! Et à l’avenir, suis l’exemple de ton frère.
Ses yeux durs se posèrent sur Cella qui baissa honteusement la tête. Ellan avait déjà tué, comment faisait-il ? Ne ressentait-il aucune peur à cette idée ? N’avait-il aucun remords, aucun doute ? Il devait pourtant sûrement être comme elle, ils étaient jumeaux, ils avaient été élevés ensemble et de la même façon. Elevés pour la guerre dès qu’ils surent marcher, leur père, Roi de Kunchom n’avait que cela en tête pour ses deux uniques enfants.
_ Allez, rejoignez nos hommes, ils sont à Tuzak c’est juste en bas.
Yunan désigna au loin de la fumée avec la pointe de son épée. Mais son bras s’affaissa bien vite lorsqu’une flèche vint s’y figer. Il lâcha un cri de douleur et se retourna en même temps que ses deux enfants vers le lieu d’où était partie la flèche.
Un elfe, grand, mince, se tenait non loin de là et fonçait vers eux.
_ Aldaron ! Espèce de crétin ! Inutile de résister ton petit village n’est déjà plus qu’un tas de cendres ! hurla Yunan.
Le cœur de Cella s’accéléra et une rage folle l’envahit. Elle se dit que tuer cet elfe serait sans doute le meilleure moyen de prouver à son père qu’elle était capable de faire ce qu’il attendait d’elle ; elle se rachèterait par la mort de cet archer qui lui avait tiré dessus.
Aldaron ne semblait plus avoir de flèches et il avait troqué son arc contre une dague, prêt au corps à corps. La jeune fille l’attendait de pied ferme, l’épée tenue à deux mains. Il arriva alors sur elle, brandissant son poignard que la jeune fille dévia avec son arme. Sans attendre, elle lui donna un coup d’épée dans le ventre et il tomba à genou. Un poignard ne faisait pas le poids face à une épée longue…
Cella observa l’elfe gémir en se tenant les cotes.
_ Achève-le celui-là, ne m’oblige pas à le faire à ta place !
Le sang de l’adolescente ne fit qu’un tour et dans un cri de rage elle leva son épée. Du sang lui jaillit sur le visage, et elle observa, terrorisée le corps gracieux s’écrouler à ses pieds.
Le silence tomba lourdement autour d’elle. Ellan la regardait sans rien dire, il n’avait pas bougé ni sortit un mot depuis son arrivée. Ce fut Yunan qui brisa le silence. Son rire fit échos dans la petite plaine et il fit faire demi-tour à son cheval pour se rendre vers Tuzak.
Cella ne bougea pas, se repassant la scène sans cesse. Son cœur s’affolait, il ne voulait pas se calmer. Son père était déjà loin lorsque Ellan s’approcha de sa jumelle. Il ne trouva rien à dire et posa juste une main sur son épaule, peut-être pour la rassurer. Ce geste n’eut aucun effet. Comprenait-il ?
Il s’éloigna pour rejoindre son père et leur armée d’orques et d’hommes.
Cella ne bougea pas, comme tétanisée. Elle ferma les yeux.
_ J’ai 15 ans et j’ai eu ma première victime, murmura-t-elle les larme aux yeux.
Puis, sans un mot de plus, elle s’enfuit.
Fille de roi, elle regagna le continent et parcourut Walden durant des années ; elle apprit que Yunan la recherchait et elle espérait qu’il ne la trouva jamais. Qui sait ce qu’il lui ferait pour avoir désertée… ? C’est alors qu’elle prit le nom de Aminia Arndry.